Le discours ailé des feuilles volantes : imagerie politique et rhétorique dans le Saint Empire romain germanique au XVIIe siècle
Résumé
Destinées à un très large public de spectateurs-(non-)lecteurs (" Anseher "), passant de main en main et d'une demeure à l'autre où elles étaient lues à haute voix et commentées, les feuilles volantes illustrées à contenu historico-politique sont de remarquables vecteurs de propagande dans l'Allemagne du XVIIe siècle. Se trouvent combinés sur une même page une illustration et un texte congruent ou complémentaire, le plus souvent versifié, relevant du genre démonstratif - encomiastique, parénétique ou satirique. Ces planches servent la légitimation du pouvoir impérial et des Réformés (Gustave Adolphe) ou le dénigrement de l'adversaire politico-confessionnel (le général Tilly, les Jésuites, les prédicateurs calvinistes, etc.), et recourent à une grande variété de genres (apothéose, apologue, littérature vaticinale, scènes de genre ou de chasse) et de moyens rhétoriques. En s'appuyant sur des exemples significatifs tirés de corpus publiés ou non (Harms, Paas, collections de bibliothèques allemandes), l'étude examine la double rhétorique de l'" image-média ", ancillaire et prosélyte, et du message politique qui l'accompagne. La rhétorique de l'imagerie de propagande présente de nombreuses analogies avec la rhétorique textuelle. L'argumentation scripto-visuelle puise dans le réservoir de lieux hérités de l'Antiquité et de la Renaissance : dialogisme, antilogie, citation iconique, personnification, métaphore, synecdoque, allégorie, prosopopée, paronomase, étymologisation. Elle emprunte ses thèmes conventionnels et ses " iconogrammes " aussi bien à l'imagerie mythologique, à l'iconographie chrétienne médiévale (bestiaire symbolique, psychomachie, hagiographie et dendrographie) qu'à l'héraldique, l'emblématique contemporaine ou la parémiologie. En vulgarisant des pratiques rhétoriques élitaires comme la laudatio ou la disputatio, les feuilles volantes contribuent au modelage de l'opinion et à la constitution d'une culture de l'éristique publique.